Classification des insuffisances cardiaques

 

Les recommandations de prise en charge de ­l’insuffisance cardiaque émises en 2016 par la Société européenne de cardiologie1 ont amené à distinguer trois différentes classes d’insuf­fisance cardiaque selon le niveau de fraction d’éjection du ventricule gauche (FEVG).

Les patients avec une FEVG inférieure à 40 % ont une insuffisance cardiaque dite à fraction d’éjection altérée, ceux avec une FEVG comprise entre 40 et 50 % ont une insuffisance cardiaque à fraction d’éjection modérément altérée, et ceux avec une FEVG supérieure à 50 % (donc dans les limites de la normale) ont une insuffisance cardiaque dite à fraction d’éjection préservée.

Cette nouvelle classification a fait couler beaucoup d’encre, notamment en raison de seuils définis de manière un peu arbitraire et qui ne permettent peut-être pas de faire des distinctions très fines entre les classes. Cela est notamment vrai pour la classe intermédiaire (fraction d’éjection modérément altérée), pour lesquels la FEVG est discrètement abaissée mais qui s’apparente très probablement aux patients avec une FEVG plus basse. En clair, on pourrait peut-être simplifier en deux classes : soit la fraction d’éjection est basse (et même plus ou moins basse), soit elle est normale ! Et se pose alors la question du seuil de la normalité, car on peut se demander si 50 %, ce n’est pas déjà en fait un peu bas ?

Plusieurs études de population parlent plutôt de bornes inférieures de la normalité vers 52 ou 54 %, d’autres études de 57 %.2 Et d’ailleurs, que dire aussi des valeurs supranormales (> 70 %) qui distinguent probablement des cardiopathies hyperkinétiques qui sont souvent la première manifestation de certaines cardiomyopathies génétiques comme les cardiomyopathies hypertrophiques ?2 Voici donc comment une simple proposition peut générer beaucoup de débats passionnants au sein de la communauté cardiologique. Mais ces débats ne doivent pas masquer le message le plus important : l’insuffisance cardiaque, autrefois perçue comme une maladie homogène, est devenue un syndrome hétérogène au sein duquel se distinguent plusieurs formes d’insuffisance cardiaque !

Et ceci est justifié à trois niveaux :

  • d’un point de vue épidémiologique, l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection altérée, qui était la forme prédominante, tend à devenir moins fréquente, au profit de celle à fraction d’éjection préservée, qui est de plus en plus souvent observée suivant le vieillissement progressif des populations. Aujourd’hui, plusieurs études montrent que l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection altérée représente environ 45 % des formes d’insuffisance cardiaque, celle à fraction d’éjection préservée représente elle aussi 45 % des cas et la classe intermédiaire (fraction d’éjection modérément altérée) les derniers 10 %. La reconnaissance de ces différentes classes, et notamment de l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée, est donc un message fort, qui dit que la communauté cardiologique s’est essentiellement intéressée à la moitié du problème et qu’elle doit maintenant aussi s’ouvrir aux autres formes d’insuffisance cardiaque ;

  • car d’un point de vue pharmacologique, tous les traitements actuels s’adressent à l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection altérée et, à l’heure actuelle, il n’existe a contrario aucun traitement efficace pour celle à fraction d’éjection préservée ! De nouvelles études (v. page 977) tendent aussi à combler le retard pour les patients avec une insuffisance cardiaque à fraction d’éjection modérément altérée, avec un bénéfice thérapeutique qui s’apparente à celui observé chez les patients avec une FEVG plus basse. Reste donc l’épineux problème de l’insuf­fisance cardiaque à fraction d’éjection préservée : pas de bénéfice démontré des bloqueurs du système rénine-­angiotensine-aldostérone (SRAA) sur la morbi-mortalité, une petite réduction des hospitalisations pour insuf­fisance cardiaque en réponse aux antialdostérones, pas de bénéfice non plus des bêtabloquants, et pas de ­bénéfice significatif de l’association valsartan-sacubitril….

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Source de l'article : https://www.larevuedupraticien.fr/article/classification-des-insuffisances-cardiaques-et-demarche-etiologique

 

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